Du 3 au 6 novembre 2011
Après avoir passé la nuit à Gorakhpur dans notre hôtel miteux, nous filons de bon matin à la gare pour prendre notre train qui part à 6h35. Dehors, il y a toujours autant de bruit et de circulation alors qu’il n’est même pas 6h, à croire que les indiens ne s’arrêtent jamais ! Nous filons jusqu’à la gare, et après avoir checké le tableau d’affichage, nous nous dirigeons vers la plateforme n°2 tout en croisant les doigts pour que notre train ne soit pas comme celui que nous avons vu hier… Nous rencontrons des indiens adorables qui nous aide à trouver notre voiture : nous voyageons en classe “sleeper”, voiture non compartimentée comprenant 8 couchettes. Ca ressemble fortement aux trains du transmongolien, en plus vieux et plus crade et avec 2 couchettes de plus par compartiment. Les fenêtres des wagons sont dotées de barreaux horizontaux, et vu du quai, ça donne vraiment l’impression que les indiens voyagent dans des cages à lapins… heureusement, une fois à bord du train, nous n’avons plus du tout cette impression et trouvons même une place coté fenêtre, la classe ! Nous voyageons à 4 assis sur la couchette, les gens s’entassent, se poussent, quand y’a plus de place, y’en a encore, ça semble normal ! Des petits gars déambulent à bord du train munis d’une théière en criant “Chaï, Chaï” (Thé, Thé!), d’autres servent de la nourriture, d’autres vendent des journaux, d’autres mandient, c’est la vie normale à bord d’un train indien ! Toute cette agitation nous fascine et nous savons d’ores et déjà à quel point nous allons aimer ce pays…
Six heures plus tard, le train arrive en gare de Varanasi, c’est notre tour de descendre ! Nous disons aurevoir à nos compagnons de compartiment et descendons sur le quai. Nous savons à quel point Varanasi est un endroit “test” pour tout voyageur en Inde car c’est un endroit très fréquenté… et pour cause ! Varanasi est situé sur les bords du Gange, le fleuve sacré des indiens. L’endroit est réputé pour être particulièrement bigarré et chaotique et la sollicitation des rabatteurs peut parfois être exaspérante. Par conséquent, nous nous attendions à nous faire harceler par les rickshaws dès notre descente du train… mais pas du tout ! Seulement l’un d’entre eux vient nous accoster et nous indique où se trouve la station des rickshaws prépayés. Il a l’air honnête et nous sommes agréablement surpris. Nous montons à bord de son auto-rickshaw (c’est comme un rickshaw, sauf que le vélo est remplacé par une sorte de scooter) et filons en direction du centre ville pour trouver une guesthouse. La circulation est extrêmement dense, ça part dans tous les sens, les voitures, les rickshaws, les auto-rickshaws, les piétons s’entremêlent dans un bruit de klaxons incessant, c’est le chaos le plus total et ça nous fait beaucoup rire ! Plus nous voyons de chose, plus nous sentons que nous allons nous plaire dans ce pays.
Nous trouvons une guesthouse située dans un quartier très calme et proche des ghats, déposons nos sacs et filons immédiatement faire un tour le long des ghats. Les pèlerins hindous viennent sur les ghats pour se laver de leurs péchés dans le Gange (bains rituels), pour prier ou pour la crémation de leurs proches. Dans la religion hindoue, mourir à Varanasi permettrait d’atteindre le “Moksha” et de mettre fin au cycle des réincarnations, faisant de Varanasi le coeur de l’univers hindou. Nous découvrons à quel point le bord des ghats sont imprégnés de spiritualité. Le jour est en train de tomber progressivement et de jeunes enfants viennent nous proposer d’acheter des petites bougies de fleurs pour les laisser flotter sur le Gange tout en faisant une prière, de nombreux bateliers viennent nous proposer de faire un tour dans leur barque le long du fleuve.
Nous logeons le bord des ghats pendant un long moment, et une fois la nuit tombée, on se décide à faire marche arrière pour rejoindre la guesthouse. On relonge les ghats en sens inverse et arrivés au “Shivala Ghat”, nous grimpons les marches d’escaliers menant au quartier. Il fait vraiment nuit noire et nous nous perdons un peu dans ce dédales de ruelles sombres… heureusement, les indiens connaissent le coin par coeur et nous aident à retrouver le chemin de notre guesthouse. Nous dinons à la guesthouse tout en papotant avec deux françaises en voyage durant un an à travers l’Asie. C’est vraiment étrange car nous savons que l’Inde, ça passe ou ça casse, c’est soit on adhère, soit on rejette, c’est tellement le pays de tous les extrêmes qu’il ne peut pas y avoir de juste milieu, certaines personnes parlent même du “mal de l’Inde”… Pour le moment, nous aimons vraiment, donc tant mieux !
Le lendemain, nous retournons faire une longue marche le long des ghats afin de découvrir les multiples activités des pèlerins et des riverains. Les ghats voient se côtoyer les rites les plus intimes de la vie et de la mort. La plupart d’entre eux servent aux bains rituels, durant lesquels les pèlerins hindous effectuent leur “puja” (prière) et déposent des offrandes sur le fleuve. Les ghats servent aussi à la baignade pour les enfants qui adorent barboter dedans. A certains endroits, des personnes effectuent leur lessive et étalent les vêtements mouillés pour les faire sécher au soleil. Certains ghats sont recouvertes d’habits et de saris colorés qui sèchent !
Lors de la mousson, le Gange déborde… laissant derrière lui des amoncèlements de boue le long des ghats
Plusieurs ghats sont réservés aux crémations. Ces ghats sont facilement reconnaissables grâce aux énormes tas de bois et à la fumée qui s’en échappe. Nous croisons des processions funéraires dans les ruelles avoisinantes, les corps sont transportés à travers les ruelles par des “hors-castes” sur des brancards en bambou recouverts d’un linge. Puis le corps est ensuite plongé dans le Gange avant la crémation. Les familles doivent se procurer le bois destiné à brûler le corps du défunt. Chaque bûche est pesée pour calculer le prix du bûcher. Le bois s’achète au kg : c’est environ 50Rs par kilo de bois (le prix diffère selon les essences, le bois de santal étant le plus couteux) sachant qu’il faut entre 200 et 300 kg pour brûler un corps… certaines familles n’ont pas suffisamment d’argent pour se procurer tout le bois nécessaire et le corps de leur proche n’est brûlé que partiellement, puis jeter en l’état dans le Gange. C’est malheureusement le dur résultat du système des castes qui persistent lourdement en Inde malgré l’abolissement de ce système il y a plusieurs années.
Nous nous éloignons des ghats et poursuivons notre petit tour dans la vieille ville, la Godaulia. Nous nous arrêtons déjeuner dans un petit resto fréquenté uniquement par des familles indiennes… c’est bon signe ! Nous nous régalons de la nourriture, c’est absolument délicieux. Après le repas, nous poursuivons notre tour dans la vieille ville, papotons avec les commerçants, achetons quelques fruits et des biscuits. Les petites ruelles de la vieille ville sont très animées et colorées, il y a de tout partout, des vendeurs de bijoux, de Saris,… c’est plaisant de se mêler à l’ambiance !
L’après-midi, nous rejoignons le coin des temples et visitons plusieurs d’entre eux, dont le nouveau temple de Vishwanath, également appelé “temple d’or”. Nous adorons l’ambiance qui règne dans les temples hindous, les indiens sont vraiment très croyants et pratiquants, il se dégage un vrai sentiment de spiritualité dans ces lieux. Les hindous se recueillent devant différentes représentations de leurs dieux, effectuent des offrandes de fleurs et d’encens et font sonner de petites cloches.
Pour notre dernière journée à Varanasi, nous décidons d’aller faire un tour du coté de Sarnath, lieu important du Bouddhisme. Nous négocions la course en rickshaw et commençons par faire une halte à la gare pour acheter nos billets de train pour Bodhgaya. Nous commençons par faire la queue au mauvais guichet (décidemment, on ne comprend vraiment rien aux gares indiennes^^), les indiens nous dévisagent mais ne nous disent rien et après 20 minutes de queue, le gars du guichet nous explique qu’il y a un bureau spécial pour les étrangers… génial ! Nous revoilà partis dans l’autre bâtiment à la recherche du bureau des touristes. Heureusement, il n’y a pas trop de monde à l’intérieur et nous bookons rapidement nos billets. Nous en profitons également pour réserver nos places dans le train pour Delhi, afin d’être sur d’avoir des couchettes dans ce train de nuit. Pendant ce temps, notre chauffeur de Rickshaw attend patiemment dehors… nous le retrouvons sans tarder et nous partons pour Sarnath. La circulation est toujours aussi dense, c’est le grand n’importe quoi ! C’est vraiment très crade par endroit, des amoncèlements de déchets dans lesquels viennent se nourrir les vaches et les cochons. Les rues sont sales, les gens marchent pieds nus, la misère est vraiment omniprésente…
Les rues de Varanasi
Sarnath est un des quatres sites importants du Bouddhisme : c’est l’endroit où Bouddha vint prêcher son sermon après avoir atteint l’éveil à Bodhgaya. Une immense monastère fut ériger à cet endroit dont il ne reste aujourd’hui que des ruines, car le sanctuaire a été détruit et profané par les envahisseurs musulmans. Toutefois, les ruines sont très bien conservés et on se rend compte de l’immensité du site. Il y a également un énorme stuppa, très différent de ceux que nous avions l’habitude de voir en Inde.
Des jeunes écolières qui sont venues papoter avec nous
Les ruines du sanctuaire de Sarnath
De retour à Varanasi, nous nous dirigeons vers le ghat principal, appelé Dasaswamedh Ghat. C’est sur ce ghat que se déroule chaque soir une important cérémonie. De nombreux hindous viennent en famille sur le ghat pour contempler la cérémonie. Nous assistons avec eux à la cérémonie, assis sur les marches le long du ghat.
Le lendemain matin, jour de notre départ pour Bodhgaya, nous nous levons à 5h pour aller effectuer une ballade en barque sur le Gange. Il fait encore nuit lorsque nous descendons sur le ghat et trouvons sans problème un batelier. Nous négocions le prix (négocier, c’est le maitre mot en Inde… à tel point que c’est presque mal venu de ne pas négocier !) et commençons notre ballade. Le jour se lève progressivement et nous assistons aux rituels quotidiens des pèlerins hindous. Une douce lumière nimbe le fleuve et de nombreux pèlerins viennent accomplir leur puja, tout en faisant leur bain rituel dans le Gange. Nous assistons à une profusion de gens qui se dirigent vers le fleuve, dans un mélange de saris colorés, c’est vraiment très impressionnant. Ils ne prêtent pas du tout attention aux nombreux bateaux qui longent les ghats et semblent complètement imprégnés par leurs prières. Un peu plus tard, nous assistons à un superbe levée de soleil sur le fleuve, c’est absolument magnifique.
Notre petit batelier… un papi un peu roublard, mais adorable !
Pendant ce temps, le soleil se lève
Nous repassons à l’hotel récupérer nos sacs puis nous filons prendre un petit dej, avant de prendre un rickshaw pour rejoindre la gare. Dans peu de temps, nous prendrons le train pour Bodhagaya, notre prochaine étape. Nous patientons tranquilement que le train arrive, il fait vraiment super chaud sur le quai. Lorsque le train entre en gare, il est vraiment blindé… nous nous dirigeons vers les classes sleeper en espérant qu’il y ait moins de monde mais malheureusement c’est toujours aussi blindé. On parvient difficilement à monter à bord du train, on se faufile tant bien que mal dans le compartiment au milieu des gens entassés dans le couloir et nous parvenons à trouver nos places. Des gens y sont déjà installés et nous leur demandons gentiement de nous laisser nos places. D’entre eux se lèvent pour qu’on puisse s’asseoir, nous déposons nos sacs sur les couchettes supérieures, les gens continuent de monter et de s’entasser à bord du train, c’est incroyable ! Heureusement, nous avons la chance d’avoir une place assise, on espère juste ne pas mourrir étouffés car il y a vraiment énormément de monde à bord… un indien nous expliquera un peu plus tard qu’en période de festival, il n’y a pas de contrôle à bord des trains et donc les gens en profitent pour voyager gratuitement. Espérons que ce ne soit pas toujours comme ça !…
Noélie
15 Sep 2020J’ai été également en inde et je trouve que ta description ressemble à beaucoup d’autres villes. J’étais à Bangalore et il y a aussi une énorme différence entre plusieurs quartiers. Certains sont aisés, avec des entreprises multinationales et recrutant des ingénieurs par dizaines. Les quartiers sont propres, les gens bien habillés, dans de belles voitures…a quelques dizaines de mètres, changement d’ambiance avec un quartier très pauvre. Les mauvaises odeurs reviennent, les déchets aussi. Les gens sont miséreux, n’ont presque rien. Beaucoup, y compris de jeunes enfants, vivent constamment pieds nus dans cette crasse, ce qui m’avait choquée au début…leurs pieds blessés, amochés, complètement noirs de saleté témoignent à chaque instant de la dureté de leur vie…